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Christiane Taubira, Députée de Guyane

" Dans la force d’hier, la confiance pour demain "

Assurément, un autre chemin était possible. Nous l’avons abondamment dit et écrit : nous l’aurions souhaité plus rationnel, plus cohérent, plus prometteur. Le fond, le contenu d’abord, en premier le modèle de développement, son habit juridique après. Mais le vote sur cet article constitutionnel est le choix du Congrès. Et le Congrès est composé de l’ensemble des élus régionaux et départementaux, issus du suffrage universel. Nul n’a plus que nous légitimité à regretter ce raccourci, pour avoir bataillé sans répit afin de l’éviter. Mais on ne bâtit pas l’avenir à coups de regrets. La circonstance est. Et elle ne reviendra pas. Puisque, en cas de rejet de l’article 74, une nouvelle consultation vous sollicitera pour une Collectivité unique. Ce sera une réforme administrative. Rien de plus. En témoignera la loi ordinaire qui, elle aussi suivra la consultation, tout comme la loi organique est postérieure à la consultation sur l’article 74. Et à supposer que vous disiez majoritairement NON à ces deux consultations, c’est alors la réforme ‘Balladur’ sur la réorganisation territoriale de la France qui s’appliquera. La loi qui l’aménage n’existe pas davantage pour l’instant.

L’article 74 offre l’opportunité d’entamer des discussions sur le fond. L’article 73 renforcé ou élargi est une chimère, un fantôme, une inspiration de langage du Président de la République, rien de réel. L’article 73 maintient les choses en l’état. Aussi, malgré nos réserves sur la méthode dans ce choix du Congrès, grandeur et servitude de la démocratie, c’est sans réticence que nous faisons campagne en faveur de l’article 74.

Frantz Fanon l’a clairement énoncé : " L’important n’est pas ce que l’on a fait de toi mais ce que tu fais de ce que l’on a fait de toi ". Bien entendu, cette option n’est pas sans conséquences. Justement parce que pour y venir, nous avons sacrifié un positionnement partisan ; justement parce que nos motivations sont toutes tendues vers les chances d’arracher ce pays au marasme économique, à l’aliénation culturelle, à la débandade sociale, au saccage environnemental, à l’aberration des relations avec les pays voisins, nous faisons campagne sans complaisance. ‘" Nous à qui n’appartient guère plus même cette odeur blême des tristes jours anciens…" Damas, Black-Label.

Voilà pourquoi nous allons d’abord réfuter. À commencer par les mauvais arguments de certains défenseurs de l’article 74. Les références historiques ne sont pas des talismans. Après avoir fait si peu pour mettre sur scène notre Histoire, il y a quelque impudeur à invoquer sans cesse des leaders du passé. Ceux-là ont eu le mérite de la clairvoyance et du courage. Ils ne peuvent, par simple incantation, combler les défauts d’un projet qui reste inachevé. Car, depuis, notre monde a changé dix fois. Et il y a bien plus d’enseignements à tirer des capacités que les Guyanais ont collectivement démontrées dans l’adversité, que ce soit cette mémoire orale sur l’intégrité du territoire malgré la partition de l’Inini ; que ce soit face aux expropriations pour l’implantation du CSG, aux expulsions foncières pour le Plan Vert ; ou ces dialogues qu’Amérindiens et Bushinengue ont su renouer après de graves conflits ; ou l’ingéniosité collective après la rupture des relations avec la France durant la Seconde guerre mondiale. C’est dans cette force d’hier que nous devons puiser la confiance pour demain.

Il convient ensuite de reconnaître que, dans la grande faillite de notre économie et de nos rapports sociaux, l’Etat n’est pas toujours seul en faute.

Puis nous voulons élucider. Ce n’est pas en fouillant frénétiquement le passé que nous tracerons nos lignes d’avenir. Voilà pourquoi nous faisons campagne sur le contenu. Et sans ambigüité, nous disons qu’il faut en finir avec cette économie de comptoir établie depuis Colbert qui a postulé que " pas un clou ne doit sortir des colonies " . Notre secteur primaire, agriculture, pêche, doit cesser d’être l’otage de quelques uns et prolonger son processus de transformation, diversifier ses marchés et alimenter le nôtre à prix corrects. Nous devrons étrangler l’économie de rente qui, par l’inflation foncière et immobilière, exclut massivement. Nous devons rompre avec l’économie de la dépendance qui nous zombifie dans l’attente des bateaux d’importation et nous rend complices de la dégradation climatique. Ce n’est pas que la faute de l’Etat. Cessons d’y prendre notre part. "Il s’agit moins de recommencer que de continuer à être contre la conspiration du silence autour de moi-même, à moi-même imposée, par moi-même admise". Damas, Black-Label. Il nous faudra la volonté des changements nécessaires à une économie de la production, une économie de la préservation de nos écosystèmes, une
économie de la connaissance qui inclut sans les instrumentaliser nos jeunes et nos savoirs traditionnels, une économie de voisinage où nous devenons partenaires, bref, une économie pensée en nos lieux. En l’occurrence, l’improvisation n’est pas la recette. La circonstance est. Que nous dit-elle ? Mises à part les scories qui tombent d’elles-mêmes, deux courants de pensée se dégagent par leur cohérence. L’un, sous la filiation de Monnerville, est une pensée d’assimilation qui donne
créance absolue non plus seulement à la France, mais plus modestement au gouvernement français, et surtout doute collectivement de nous, avec son slogan " NOU PÔ KÔ PARE ". Monnerville avait cependant des valeurs, lui qui prescrivait de ‘toujours vivre visière haute’. L’autre logique de pensée s’inscrit dans la filiation de Damas, assumant que nos désordres de toutes sortes ont une source majeure dans le renoncement à nous-mêmes. C’est ce qu’il entendait en affirmant dans Retour de Guyane que ‘quand on aura fait des nègres des assimilés français, on n’aura pas fait rentrer ceux qui s’exilent, on n’aura pas ressuscité ceux qui meurent de faim, on n’aura même pas vêtu décemment les futurs assimilés’. Les difficultés économiques désormais incontestables ont tout rattrapé et tout démontré, aggravé par les inégalités. Ces deux hommes se sont farouchement combattus. Inutile de diaboliser. L’un a gagné les élections, l’autre a eu raison devant l’Histoire.

Aujourd’hui, la circonstance est. Qu’exige-t-elle ? Que parmi les grandes urgences, nous soyons capables d’admettre que la jeunesse a la supériorité du nombre, cela lui donne droit à une préséance d’attentions et d’efforts. S’il y a un défi à relever et réussir, c’est celui-là. Au-delà de nos divergences, nou savé roun lanmen lavé rôt. Nous avons l’occasion de nous grandir en dépassant les faux-clivages. " La main qu’on sent ne point fléchir il faut la serrer aussitôt, la serrer d’une main tendue ". Nicolàs Guillén, Le chant de Cuba.

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Christiane Taubira   http://www.christiane-taubira.net/

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