Motion pour le Congrès de Walwari
21 février 2015
Rénover nos liens avec la société guyanaise
Présentée par Sarah Albukerque-Léonço, Secrétaire générale de Walwari (2015-2017)
Signataires : Joël Pied, Jean-Etienne Antoinette, Patrice Clet, Nolywé Delannon, Eric Lafontaine, Georgina Judick-Pied, Claude Vero, Xavier Clervaux, Florence Adjodha, Pierre Fourel, Line Létard, Dominique Louvel, Joëlle Suzanon, Alex Leblanc, Thérèse Moisan.
Walwari a aujourd'hui 22 ans d'existence. 22 années durant lesquelles nous avons été force de proposition et avons produit des connaissances avec le souci constant de l'intérêt général. Notre empreinte particulière est l'audace de nos idées, qui nous a toujours placés à l'avant-garde. Lors de notre création en 1992, nous avions osé "Conquérir Cayenne au féminin", en proposant un "Souffle nouveau" à une société qui aspirait au changement. Aujourd'hui, alors que la société guyanaise vit de profondes mutations et se transforme à un rythme exceptionnel, il nous faut plus que jamais être à l'écoute de ses aspirations. C'est la condition de la nécessaire rénovation de nos liens avec l'ensemble de la société.
La Guyane, c'est près de 60% de jeunes de moins de 30 ans, avec des défis colossaux en matière d'éducation, de formation et d'emploi. Voilà un potentiel sur lequel nombre de sociétés industrialisées rêveraient de pouvoir s'appuyer pour bâtir un avenir prometteur! Nous avons une population d'une richesse exceptionnelle, mais à laquelle nous n’offrons pas les moyens de se transformer en véritable capital humain. Le rôle du Politique est de créer les conditions d'épanouissement de chacune et chacun, afin de lui permettre de participer à la construction de la société à la mesure de ses talents et de sa volonté. Mais comment rendre cela possible quand un nombre toujours plus grand de nos concitoyens se détournent du Politique parce qu'ils n'y croient plus? Notre première ambition doit donc être de rétablir le lien de confiance avec tous ceux qui se sont détournés du Politique. Leur redonner envie d'exprimer leurs préférences, dans l'urne lors des scrutins électoraux, et dans le débat public le reste du temps, est une tâche à laquelle nous devons nous atteler en urgence. Pour cela, nous entendons faire mieux en termes de représentativité et de dialogue direct.
Représentativité. Pour retrouver confiance, nos concitoyens auront besoin de se reconnaître dans leurs représentants. La diversité des habitants de notre territoire et les différentes composantes sociales et culturelles doivent trouver leur expression dans les lieux de décision. Les jeunes en particulier, majoritaires dans la société, doivent se sentir pleinement représentés. A Walwari, nous montrons le cap en confiant les responsabilités de notre organisation à une relève qui s’est formée en cheminant aux côtés des meilleurs d’entre nous.
Dialogue direct. Nos concitoyens veulent pouvoir être en relation directe et continue avec leurs représentants et ceux qui aspirent à le devenir. Nous ne pouvons compter sur les médias locaux pour servir d’interface entre nous et le reste de la société. Les médias traditionnels ont trop souvent montré leurs limites par leur partialité, dans un paysage audiovisuel encore trop peu diversifié. Nous devons donc miser sur les possibilités extraordinaires qu’offrent les médias sociaux pour établir un dialogue continu avec nos concitoyens. Mais cela ne doit pas nous conduire à négliger le contact humain, central dans toute aventure politique. La population doit nous sentir et nous savoir proches, à sa portée. Lors de la grève des étudiants sur le campus de l’ex Université des Antilles-Guyane, nous avons démontré notre capacité à être au coeur d’un mouvement social et de sa transformation en une véritable avancée sociétale : la création de l’Université de Guyane, que nous appelions de nos voeux depuis des années. C’est bien la démonstration que nos idées sont majoritaires dans la société et qu’il nous faut faire corps avec la société pour espérer faire avancer les chantiers qui nous apparaissent prioritaires pour le développement de la Guyane.
Nous avons par ailleurs le devoir de renouer avec ce qui a historiquement fait l'une des particularités de Walwari : la formation de nos militants, sympathisants et du grand public. Il s'agit là d'une condition sine qua non à l'élévation du débat public. Cela est également indispensable pour permettre au plus grand nombre de porter un regard critique sur les choix qui lui sont offerts lors des échéances électorales et les visions du monde et de la société qui les sous-tendent.
Nous croyons en la justesse de notre vision et de notre ambition pour la Guyane. Comme en 1993 quand nous avons bouleversé l'échiquier politique local, nous savons que c'est en redonnant espoir à tous ceux qui l'ont perdu que nous gagnerons. Comme en 1993, nous croyons que nos idées et aspirations sont majoritaires dans la société mais que tant que nous ne convaincrons pas la majorité d'exprimer ses préférences sans craintes de représailles, ce sont les conservatismes et les petits arrangements qui triompheront.
Il ne s'agit pas pour nous de rêver béatement de "refaire 1993". La société guyanaise n'est plus la même. Mais le contexte politique est quant à lui étrangement similaire. Le clientélisme est de nouveau à son comble. Le chantage à l'emploi, les promesses de faveurs en échange d'un bulletin de vote et l'instrumentalisation des sous-groupes culturels sont revenus au cœur des pratiques de nos adversaires. Comment pourrait-il en être autrement puisque les artisans du système que nous avions démantelé en 1993 sont à nouveau à la manœuvre? Nous ne pouvons nous résigner face à cette spectaculaire régression. Nos armes demeurent les mêmes pour offrir autre chose à la Guyane : Dignité. Probité. Efficacité. Plus que jamais nos alliées. Dignité pour refuser l'indécence de la logique "Nou pôkô paré". Probité parce que le développement de la Guyane exige que chacune et chacun soit reconnu-e et récompensé-e à la hauteur de ses efforts. Efficacité parce que nous n'avons pas d'autre choix que celui de réussir.
Cette année 2015 annonce de profonds changements. L'avènement de la Collectivité Territoriale de Guyane (CTG) n'est pas la voie que nous souhaitions emprunter. Cette reforme administrative ne constitue pas un projet politique en soi. Mais elle peut et doit servir de support à une politique audacieuse et ambitieuse de développement. Et surtout, elle va inévitablement modifier les rapports du citoyen avec les lieux de décision. Cela aura un impact à la fois sur son quotidien et sur la façon dont il pourra envisager son avenir. Nous ne pouvons pas nous permettre de manquer ce rendez-vous. Car il n'y aura pas de contre-pouvoirs au sein de la CTG, une aberration que l'actuelle majorité régionale a défendue et obtenue d'un gouvernement de droite qui s'est illustré par son manque de culture démocratique. L'absence de contre-pouvoirs au sein de la CTG nécessite plus que jamais que soient portés aux responsabilités des personnes ayant démontré la constance de leur engagement en faveur de l'intérêt général. Une fois aux responsabilités, nous nous engageons à respecter la pluralité des choix qu'auront fait les électeurs, en permettant aux élus de l'opposition de participer pleinement aux travaux de l'exécutif. Mais nous nous engageons également à explorer très tôt les possibilités de réforme de l'organisation interne de la CTG afin d'en renforcer les garanties démocratiques. La conquête du pouvoir n'est pas une finalité pour nous; seul compte l'intérêt général qui constitue notre boussole et le critère ultime sur lequel nos décisions sont fondées.
Le Mouvement Walwari regorge de personnes dont le parcours de dévouement à des causes collectives généreuses fait foi. Parmi elles, nous saluons l’exemplarité de notre ancien Secrétaire général (SG), Joël Pied, qui est non seulement resté fidèle à son engagement à Walwari depuis 1993, mais qui a surtout remis en ordre de marche notre organisation durant son mandat de SG de 2009 à 2015. Nous soulignons en particulier sa vision politique et son opiniâtreté qui nous ont permis de nous déployer sur le territoire. Nous comptons aujourd’hui des élus dans les deux collectivités appelées à former la future CTG. Nous prenons une part active dans les travaux de la majorité du conseil municipal de Cayenne. Nous avons également une présence dans les mairies de Kourou, Matoury, Macouria, Rémire-Montjoly et Grand-Santi.
En succédant à Joël Pied, mon ambition est de poursuivre obstinément le travail engagé. Je sais pouvoir compter sur les précieux conseils de mon prédécesseur, mais également sur Patrice Clet, Conseiller général de Sinnamary et désormais SG adjoint de Walwari. Je sais aussi pouvoir m'appuyer sur l'expérience de Jean-Etienne Antoinette, dont le parcours exceptionnel en termes de responsabilités exercicées constitue un gage de grande qualité pour les travaux programmatiques que nous aurons à mener.
Afin d’établir un programme qui soit en adéquation avec les aspirations des différentes composantes de la société, nous organiserons des consultations sur les 6 axes que nous avons identifiés comme étant prioritaires : l’éducation et l'enseignement supérieur; la santé et le social; les emplois liés aux nouvelles technologies; l’aménagement du territoire; la coopération transfrontalière; et les défis de gestion des personnels de la future CTG. Ces consultations prendront pour point de départ les résolutions ambitieuses auxquelles nous sommes parvenus à l'issue des ateliers thématiques que nous avons tenus aujourd'hui.
Nous inviterons tous les acteurs et groupes de la société civile à prendre part à cet exercice de démocratie participative afin que le résultat final soit le reflet le plus audacieux de notre intelligence collective. Le défi est grand et nous avons l'obligation de réussir. Les enjeux sont trop immenses pour l'avenir de notre territoire pour que nous ne fassions preuve d'audace et de créativité. Et nombreux sont les adversaires de notre émancipation collective sur les plans intellectuel, culturel, économique et politique. Il est temps de leur démontrer qu'ils sont les sinistres héritiers d'un système qui repose sur le clientélisme et le népotisme que nous rejetons avec force, et qui doit désormais faire place à d'un modèle de société fondé sur le mérite de chacun, la générosité et la solidarité de tous.
Je compte sur chacun de nous, de vous, pour construire ce modèle de société dès aujourd'hui.