Monsieur Xavier BERTRAND
Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé
127 rue de Grenelle
75007 PARIS
Paris, Ce 7 Novembre 2011
Monsieur le Ministre,
Je suis saisie d'une tristesse sans fond.
Je sais, ce n'est pas le ton formel d'une lettre de Députée à un Ministre.
Mais peut-être ce dernier drame qui frappe une adolescente vous fera-t-il prendre la mesure de l'urgence que je m'obstine à vous traduire depuis trop longtemps, et de la détresse qui engloutit de jeunes bourgeons envers lesquels nous avons une double responsabilité: de génération, en notre qualité d'adulte; et de décision politique, chacun d'entre nous à sa place et à sa mesure.
La politique n'est pas un métier, c'est une mission. Aussi, plus que tout métier, elle exige éthique et déontologie. Nous ne saurions par conséquent nous soustraire aux interrogations taraudantes que soulève ce drame, dont celle de savoir ce qu'il était possible de faire pour l'éviter, après tant d'alertes provenant d'interlocuteurs différents, les praticiens hospitaliers, les personnels médicaux et paramédicaux, la protection judiciaire de la jeunesse, la Défenseure des enfants...
Je vous ai moi-même plusieurs fois interpellé, par questions écrites, par question orale sans débat, par courrier, en vous relançant lorsque votre réponse tardait, en vous transmettant mes échanges de courrier avec la Défenseure des enfants, en vous faisant part de ma participation à une réunion convoquée par le Conseil général que j'avais également
sollicitée.
Je joins à la présente ces courriers pour vous en rappeler la teneur.
Quoiqu'il ne soit pas de mon ressort de faire des propositions en matière d'équipement ou d'organisation, je vous ai proposé, avec insistance eu égard à l'urgence, deux alternatives qui auraient permis de répondre aux besoins immédiats en attendant les aménagements que vous annonciez pour 2013, en vous indiquant qu'il était inconcevable
d'accepter ce délai à 2013. Ces deux alternatives consistaient à convenir avec les cliniques Saint-Paul et Véronique dont un étage dans chacune était inutilisé, de l'accueil de lits réservés aux mineurs. Ces propositions méritaient au moins d'être expertisées, elles présentaient toutes les apparences d'une possible mise en oeuvre rapide. J'appelais
par ailleurs votre attention sur le fait que Cayenne n'était pas seule touchée par cette situation à fort risque, que mes échanges avec les directeurs de l'hôpital de Saint-Laurent et de Kourou révélaient des besoins, des risques, des urgences et des inquiétudes analogues. Des suicides dans des villages Amérindiens constituaient pour certains
praticiens hospitaliers des signes de l'impérieuse nécessité de construire des réponses préventives.
Je veux croire que vous prenez, Monsieur le Ministre, la pleine mesure de ce que signifie ce drame. Pour cette adolescente, pour sa famille, pour les personnels hospitaliers, pour nous tous qui vous avons alertés et qui ne pouvons nous défaire ni d'un sentiment d'échec ni d'une impression d'impuissance par négligence.
Ma tristesse reste immense. Puissent vos décisions imminentes pour éviter un nouveau drame, se situer à bonne échelle.
Dans l'attente, je vous prie d'agréer, monsieur le Ministre, l'expression de ma considération.
Ch. Taubira